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les voyages extraordinaires d'un naturaliste atteint de fièvre

28 février 2011

Chronique polaire 2

 

Chronique polaire 2

 

 

Galak, le chocolat, si beau, si blanc, le dauphin et les enfants, tout ça, ce pan de culture pub occidentale, ces crétins de Cree connaissent pas…Les ignaaaares ! Chez eux, dans leur neige sale, ils ont que du kit kat de Catbury trois fois fondu et recongelé dans les transports, à se foutre sous les chicots… Galak arrive pas…Tant pis ! Ils comprendront pas mon émoi ! Ma grande joie en voyant nager au bord de la baie, des bandes entière de Galak souriants, amicaux, qui m’invitent à plonger les rejoindre dans leurs jeux aquatiques…

C’est ça qui m’oblige à m’éloigner d’eux, pour pas qu’ils me trouvent encore une excentricité, prétexte à de nouvelles moqueries…Je suis déjà le seul connard de touriste à venir à Churchill voir les ours polaires hors saison…Ca les fait se gausser les Inuits ! Ca les divertit de me voir sur la route à forcer sur les pédales, jusqu’au centre de recherche, là-bas, à 22 bornes dans la toundra…Je vais les avoir un jour, ces couennes…J’en trouverais bien un de leurs blancheaux….

J’ai failli hier…J’ai relevé une de ces empreinte ! Le yéti ! Parfaite ! Dessinée dans une flaque asséchée, les contours nets, avec les griffes, la plante, et tout, une antérieure ! Une gauche…Dans le vert olive de la marne poisseuse.

Ca faisait un bail que je marchais sur la grève, putain de saloperie de rocaille ! On croirait pas comme ça, de la route…On devine l’océan, on se dit que la plage doit être proche, mon derche ! Faut cavaler là-dessus, bien une bonne demie heure avant de se mouiller les pieds…Ca monte et ça descend…La côte est en vague…Un vrai trompe l’œil…

J’ai commencé à m’amuser à marcher sur les dalles de grès rose, fissurées, comme des grosses marches d’escalier puis redescendre sur un sol herbu. Graviers…Galets…puis ça remonte, puis ça déclive encore, etc…C’est pour ça que l’autre thon de Debby m’a renouvelé sa bienveillance… « Toi pas t’aventurer sur le shore, hein mon con de frenchy ! T’es bouché ? C’est dan ge reux, bordel ! Il te faut quoi pour y entendre ! »  Salope ! Elle avait raison la grosse…C’est dan ge reux ! Ca pue le danger ! Un piège à burnes, cet estran de Churchill…Aucune visibilité…

L’idée de tomber nez à nez avec un ours avait tout pour me séduire dans mon fantasme naturaliste, mais…en condition optimale, bien sûr ! C'est-à-dire, avec la possibilité de voir avant d’être vu…Ah, ça fait curieux de se trouver coincé dans le labyrinthe…Ouai, elle arrive la petite anxiété, elle monte…

Alors, comme décidément j’arrivais pas à atteindre le rivage, et que je suis tombé sur la trace, fraîche de gros mâle, j’ai abandonné la traque…Effectivement trop vulnérable dans ce traquenard…La flippe m’a gardé au froid le temps de rebrousser chemin. Monter descendre, monter descendre…sans arrêter de me retourner, comme poursuivi par un drôle de fantôme…Une sensation ! Un 6ième sens : barre toi !

J’irais jamais au-delà du centre de recherche. J’ai essayé en vélo. Les ouvriers qui bossaient dehors m’ont sifflé de revenir…J’ai continué droit dans la tourbe…Bon, j’ai quand même vu un renard roux et des lagopèdes. Mais impossible d’insister. Même le vélo s’enfonçait sous son poids. Je suis revenu les pieds trempés…Ils m’ont offert un thermos de café « Wapusk c’est sûr, ils y sont les blancheaux… » qu’il m’a informé le chef de chantier, « En suivant la côte…T’as tes chances »

C’est exactement mon plan depuis que j’ai étudié la carte : La côte…Jusqu’à Wapusk…Le territoire des polaires et des morses….

 

Il s’est mis à pleuvoir…Putain ! A mi chemin, en haut de la côte avant l’observatoire astronomique, j’ai vu un loup ! Aux jumelles, d’autres…Trois, quatre, blancs, marrons clair…au petit trot sur un replat, au bord de l’eau. J’ai balancé le bicycle dans le fossé, escaladé la vieille échelle d’un silo et hop vérification aux Zeiss : Putain une meute ! J’ai couru sous la flotte droit vers les bestiaux…

A  bout de souffle, saucé jusqu’aux os,  j’ai pointé les optiques…Merde, des chaînes ! Un élevage ! Connerie ! C’était des huskies…La totale : bredouille, ruisselant, déçu, et naaaze !

Rien que d’imaginer leurs sales faces de rats brunies, aux villageois, ceux qui tiennent le Wong Kee, les vrais ressortissants de la baie, de deviner encore leurs pires vannes à mon égard, quand ils viendront me narguer au zinc, un coup dans le pif, ça m’a donné la haine. J’ai pédalé de rage contre un vent de         huit noeuds, fouetté par des gerbes pointues de leur saleté de pluie du nord jusqu’à la petite rivière. Là, j’ai reconnu le camion de Sean ! Bon dieu ! La veine ! Il allait pouvoir me ramener. Ce qu’il a fait, le bonhomme…Une heure après…

Lui, la tourmente,  ça le laisse de marbre…Lui et son pote indien et trois gamins tout noirs qui se baignaient à poil dans le goulet…Je les ai rejoins… Au point ou j’en étais…Habillé ! On a joué dans les remous avec une grosse bouée de tracteur comme en colo, en pleine toundra, sous une ondée qui a finit par se calmer.

Il a commencé à cailler. On est sorti. Eux, ils ont remis leurs habits secs dans le camion. On a chargé mon deux-roues, je suis resté dans la benne, pour pas mouiller les sièges.

Quelle revienne pas à la charge la Debby avec sa soi-disante mise en garde…La preuve ! Les locaux se permettent de venir se baquer au beau milieu du soi-disant extrêmement dan ge reux territoire du plantigrade en robe de neige…Alors ! Hein ! Baleine ! T’en dis quoi de cette tradition locale, hein ! Y’a eu des morts ? Pêché par la bêeete ? Y’a t-y eu des victimes, grognasse !

Ils se sont bien marré Craig et son tchum de m’entendre évoquer la spécialiste…A voir leur bonne bouille joviale j’en ai conclu que tout ça c’est de l’esbroufe à touriste ; Faire peur, c’est séduire les masses…Ca nourrit l’imaginaire.

 

Les clients repartent tout excités dans leurs villes climatisées avec plein de quoi se re faire peur à table, en en faisant des tonnes, pour épater la galerie, évoquant les terrifiants plantigrades de trois mètres de haut, mangeurs d’enfants et assoiffés de sang humain.

Chez les Chinois, c’est venu comme je m’y attendais…« Les ours attaquent pas, point barre ! Tout le monde le sait ici ! Nous autres, on se les farcit tous les ans à l’hiver, les grandes ourres…Il viennent frapper aux portes de nos cabanes. Des fois ils entrent…Là, faut rester sur ses gardes…La nuit surtout…Mais sinon, dans la toundra, ils ont autre chose à foutre que venir à nous. On leur fait peur…On pue l’homme...Toi, surtout, ah, ah ah !

-« Bien causé Hyacinthe…Prend en une autre de bibine, grand saucisse… »

Tient ! Un mot doux…Il m’a glissé dans la poche un papelard plié en quatre marqué en…je sais pas quelle langue chelou, avec des petits triangles et des petits ronds… -« Devine ! » qu’il m’a sorti le grand dadet de Hyacinthe avec un clin d’oeil…Oh, non, pas lui… « Si si, ton chevalier servant de Moodie qui te donne rencard, mon tchum…C’est l’heure ! Il te cherchait partout. Il est repassé ici toutes les plombes…A force je te dis pas son état…Une pinte à chaque visite…Il t’a soi disant vu dans son rêve. Il veut te mettre en garde, mon brave…Il t’a à la bonne, le vieux renard, je te dis…Il faut qu’il te protège…On est tous au parfum, nous aut’…Tu vois comme il bave dès qu’il a sa brosse, hein, ton Cree…Alors… »

Merde de merde, manquait plus que cet anathème sur le dos…Je suis grillé à Churchill…Bon…Faut que je rentre. Le prochain train pour Winnipeg est mardi…Faut que réserve. La gare est close…Jusqu’à lundi…

 

Sa femme, à Sean, est tout ce qui y’a de plus Japonaise. C’est elle qui m’a accueillie au seuil de sa maison le jour où j’ai débarqué en ville. En Kimono ! Un bébé dans le dos…Les courbettes en règles, mains jointes, petite voix fluette et timide, salutations, bienvenue, et autres jérémiades tout en reculant à mesure que j’avançais me mettre  l’abri…Une véritable Geisha !…Une raison de plus d’être triste de quitter cet étrange endroit du grand nord.

L’avantage du hors saison, c’est l’absence de pression…En tant que seul et unique hôte des Johnson, je peux dire qu’ils me gâtent…Le premier matin, malgré l’heure tardive, ma patronne japonaise m’a laissé un sacré festin comme petit déjeuner…Un authentique american ! Toasts, œufs brouillés, marmelade et haricots rouges, saucisses,  bacon ! Céréales, scones ! De quoi tenir un siège !

Ca sentait sacrément bon en cuisine…Une demie heure plus tard, le ventre plein,  je partais en toundra, la table était dressée pour midi. Ca avait l’air appétissant…Je me suis fait inviter pour une dégustation. Leur gamin était attablé, il avalait des gros spaghettis dans un bouillon gras ou flottait des tranches de lard au milieu d’algues vertes et de champignons chinois…Miam miam…

J’ai goûté la pitance : un régal ! Un voyage ! Une escapade nippone. Mes papilles ont pris le large vers l’orient…J’ai décollé aussi sec pour Kyoto…Résultat, je suis resté déjeuner en leur compagnie…Le minaud, une gueule d’hyper actif, me traduisait les mets : énoki, daïkon, tonyu, etc. Des petites soucoupes, des tasses de toutes tailles, assorties, un sorte de plat à fondue au centre, qui frémissait sur un réchaud… »Un suki-yaki ! » qu’elle m’a annoncé avec fierté, la Geisha…Fallait se servir de tout, comme on voulait. Du raifort en tranche mariné dans du soja, relevé au citron vert…Des filets de poisson fumé dans une sauce au gingembre ! Et le riz parfumé, cuit à la vapeur pour accompagner… Le tout aux baguettes, à picorer dans tous les ramequins qui ornaient la table fleurie…Régal ! Délice ! Antipodes ! Je suis reparti me coucher !

Et je l’ai retrouvé en rêve, le guedin de Moodie ! Un songe pénible, lancinant qu’a tourné en boucle dans ma caboche…Il chevauchait mes Galak, l’indien !.. Debout, les rênes en mains, sur un convoi harnaché de bélougas tout blanc… Il me faisait signe… J’étais sur la berge... Il me montrait un truc, là-bas, dans les terres…Il passait et repassait devant moi en criant je ne sais quoi ! Il avait l’air tourmenté…Fallait que je me débine, fallait que je fuis la côte…

Je sais où il crèche, le grand manitou…Après la sieste, je suis allé lui rapporté son message pour traduction et annoncer mon départ. Il était pas là…

Je crois bien que les voisins m’auraient lâché leurs sales clebs qu’arrêtent jamais d’aboyer, en tirant sur leur corde, tous crocs menaçant, et les niards en guenilles, morveux, crados, qui commençaient à me jeter des caillasses…Ca commençait à sortir des portes…S’attrouper dans la rue…Les vieilles sorcières aux fenêtres qui faisaient des signes de me couper la gorge, en crachant des insultes en slang…Sympathique l’ambiance…c’est ça, les réserves, comme les nomment, ces taudis, les beaux administrateurs aux affaires autochtones, les réserves indiennes…Magnifiques ! Très réussies, non, vraiment, très…intégrées…Tu parles d’une vision qu’il a à se mettre sous les yeux, le chef Apache…tu m’étonnes qu’il dérive, le gaillard…ça : son peuple ?

Je suis parti aux sternes, avant le port. Un petit marais qui jouxte les docks. Je passe par là pour gagner du temps et à chaque foi je me fais agresser par les sternes qui piquent à ras les tifs en criant en diable ! En piqué, vraaoumm, comme des mini bombardiers à l’attaque ! Pearl Harbour !…Tatatatattatat !!! Mitraillette sonore et force bombes vocales, des fientes parfois, faut faire gaffe. Hiroshima dans la gueule ! Elle savent s’y prendre les mémères pour se rendre impressionnantes...Elles les protègent leurs poussins…Rien que dans ces petites pièces d’eau, en arrivant, j’ai trouvé déjà pas mal d’espèces…Des nicheurs tardifs…Phalaropes, mouettes de Bonaparte, Plongeons arctiques, etc…

Plus loin en mer, sur les vagues côtières…Trois sortes de macreuses, des eiders, des goélands bourgmestres…Assez pour satisfaire mézigue…

Dans l’ambiance d’isolement des territoires oubliés. Bien bien !...

Les ours, je reviendrais !

 

Passée la dinguerie des sternes, et leurs attaques surprise, on débouche sur un immense plateau rocheux tout plat. Les pipits maritimes m’accompagnent en voletant jusqu’au cap. Falaises ! Ressac sur les écueils…Bouillons d’écume ! Par delà l’horizon : La Russie ! Ou presque…par le passage improbable du Nord ouest…

A l’estuaire, les Bélougas y sont toujours. Ca me frustre de pas pouvoir plonger. L’eau est si transparente…

Je me lasse pas du spectacle…Les jeunes sont gris...Ils nagent collés comme des rémoras aux flancs des femelles, trois, quatre fois plus grosses, blanches, dans l’onde bouillonnante…Des centaines ! Des groupes de trente, quarante individus…Ils remontent la rivière Churchill en été jusqu’à la baie. Après, on sait pas. …Ils se dispersent en Arctique.

J’étais dans mes pensées, quand j’ai reçu une sacrée tape sur l’épaule qu’a failli me faire chuter rejoindre les petites baleines blanches : Moodie ! Bourré ! De la salive aux commissures ! Puant de la fosse en maudit ! Une masse qui me faisait de l’ombre, penchée sur moi à déblatérer du dialecte sur un ton de réprimande… 

Je lui ai passé son mot, ça l’a calmé, il a écarquillé ses mirettes…Il m’a regardé en souriant, apaisé…Il a voulu s’asseoir…Un pipit s’est posé à deux pas, en hochant de la queue…C’est là qu’il m’a sorti son histoire, en chuchotant, en lançant des graviers dans la marée montante…

Pour finir, on s’est remis debout, on a longé la plage, surplombant les Bélougas…

Sa conclusion, c’est que je dois agir ! Moi ! Il m’a reconnu ! Ma pomme dans ses visions…L’élu ! Le messager ! A moi d’aller leur causer, aux ministres ! Emissaire des Eskimos ! Avant qu’ils fondent ! Rien de moins ! Il a intercédé auprès de son Grand Manitou, l’affaire est conclue ! J’irais ! Il le faut ! C’est un ordre !

Ayadawiduk l’exige ! Sauver les Inuits, ces reliques, avant qu’ils chutent définitivement dans la mer ! Avant que les cancers les tuent ! Couche d’ozone ! Gaz toxiques, qu’ils cuisent sur pattes, les derniers Inuits, qu’ils succombent ! Moi, leur messie ! Celui qui ira ! Faire ce qui faut pour arrêter le massacre ; et plus encore ! C’est sa vision ! C’est ce qu’il en a déduit enfin, de tous ces rêves initiatiques, depuis des semaines, le Moodie ! C’est moi…

Je suis arrivé à Churchill exactement le jour de sa première vision ! Il sait que je pars ! Il l’a vu ! Je prenais le train ! Je portais à la taille un katana de Samouraï ! Une plume d’aigle pêcheur dans les cheveux, Anishakawan ! Un bandeau tissé main de chez sa tante…Et que je récitais des psaumes Cree en montant dans le wagon.

Pour attester de la chose, il a prédit des caribous ! « Le grand troupeau du nord !

Ils viendront ! Par milliers, les Atikwak ! Leur chef, ce sera moi…Je serais là ! Tu me reconnaîtras…

Les Atikwak courent dans la plaine comme le sang dans nos veines…Eux aussi sont malades. Un mal étrange. Les esprits ne peuvent rien ! Ils ne savent plus où migrer…Quand le caribou est malade…l’indien vacille…

« A Winnipeg aussi, je te protégerais, « Iniskan ! » Mon nouveau nom !  « Je te verrais du ciel, quand tu iras vers l’Est, chez les Inous, nos frères, chez les Hurons, là haut, parmi les bernaches ! Tu ne dois pas oublier ! De retour faudra t’y mettre ! »

Ambassades ! Consulats ! Cours des comptes ! Ministères ! Ma mission ! Ma croisade !

« C’est toi ! Aniskan ! Ton animal totem le bélouga ! Sa blancheur ta vertu ! Sa nage ton engagement ! Son sourire ton sourire ! La famille, notre famille, nous les swampy Cree de Hudson ! Les derniers !

 

On a repris dans les marigots…Les sternes ont reçu du secours ! A fallu qu’on galope en se protégeant le crâne…Les labbes parasites, arrivés avec le jusant ont prêté main forte…Et les grandes mouettes du large en renfort…Une escadrille ! Un harcèlement groupé …  « Tient ! Qu’il a gueulé l’autre chibré, tient ! Regarde ! » Les bras ouverts vers les nuages…Kiyask ! Les oiseaux ! Ecoutes ! Ils savent ! Eux aussi ! Ils sont passés à travers, des lumières rouges ! Nemitowak ! Ils sont devenus tout révoltés ! Contre nous ! Regarde ! Les diaaables ! Ca y est ils attaaaquent ! Dépêches-toi, Aniskan ! Tu vois bien, hein, leur comportement ! Ca n’a pas de bon sens… »

 

Ca nous a amené encore chez Wong…Invariablement il a commandé une gueuse ! Ca l’a pas arrangé le loustic. Il m’a sorti une sorte de talisman, Umamori ! « N’oublie jamais ! »

Il a attrapé le hoquet…Ca l’a pas empêché de continuer son théâtre…Moi je suis resté bien sage pour pas le contrarier, lui et son quintal de muscles tout secoué de tremblements…

« J’ai vu les « Cheepayak Nemitowak »…Je te disais…notre ma…hok…jestueuse,

hok danse des esprits, hip, rouge ! Sanguine ! Annoncia hap, hip trice des pires catastrophes ! C’est le signe, hup ! Vous auuutres, pauvres hok d’anglais, vous y entendez rien aux hup aurores hup bo hup réales…Nos esprits ! Qui dansent ! »

Et il s’est mis à danser comme…Imiter les aurores…Leurs draperies dans le ciel phosphorescent, à tournoyer dans le rad avec ses franges élimées en chantant toujours sa ritournelle…

« Soit le loup !  Qu’il m’a sommé en revenant butter de toute sa masse contre le bar, deviens Mahikan ! »…hup ! Puis vlaaann ! Une galette qu’il a laissé, l’animal, pour conclure, rose et fumante, absolument infecte ! On l’a porté jusqu’à la sortie…

Ca m’a fait pitié. A son dernier regard qu’il m’a lancé par-dessus l’épaule des videurs, rempli de tristesse, j’ai répondu oui de la tête…Une promesse…Un pacte !

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28 février 2011

Chronique polaire 1

 

Chronique polaire...

 

 

L'autre Cree est encore venu me bassiner avec ses histoires (prononcer “Cri”)...Je l'ai bien observé, droit dans les yeux, pendant qu'il me décrivait sa grande vision...et ben, ma parole, y'a plus de doute sur son état mental...Va bien finir par me lâcher dans les pattes, foutu peau-rouge de mes deux!... Je me le coltine tous les soirs! Garanti!... Je dois lui plaire...C'est pas possible cette guigne que je traîne...

Pourtant j'insiste ! C'est la troisième fois que je prolonge mon séjour… Eux aussi, à la gare, ils me connaissent. C'est petit Churchill...

On a donc encore trinquer puisque je reste...La bande du port a arrosé les clients à ma santé! Puis, les frangins du Brunswick ont même pas cherché d'excuses cette fois-ci pour se latchavent...Ils se marraient bien au zinc, ces cons, à brancher la petite chinetoque. Ca les excite les yeux bridés...C'est des vrais porcs Acadiens! Fiers de l'être, pour sûr! Je te dis pas l'accent qu'ils ont!...Leur français remonte à Champlain...Avant même!...Du temps des pécores du Berry qu'ont colonisé le Canada...C'est pire que le franglais des Québécois. Je pige un mot sur deux! Ca doit les arranger! Une fois bourrés, ils mélangent tout. Ca fait un de ces bruits! Y'a qu'entre eux qu'ils se comprennent, et encore...

Ah, ils se foutaient bien de ma pogne, je les voyais..; “A la tienne!” qu'ils me faisaient du bar, tout contents de me voir accaparé par l'indien.

J'ai picolé pas mal et j'ai commencé de bonne heure...Dans le vacarme ambiant, je m'imaginais des idées de complot. C'est quand même bizarre, non, que je sois le seul à me fader l'inuit. Ca arrange le monde! Ca les allège, les citoyens...Peuvent se défoncer pénards pendant que l'autre me siphonne la poire.

Ca se trouve, la communauté s'est réunie au fond du pub un soir pour me griller. Facile! Je suis que de passage. Et Gaulois de sursoit! Un pigeon évident! Ca doit les satisfaire! Ils ont trouvé l'entourloupe...Je sais pas ce qu'ils ont fait croire au Cree...mais ça a marché du tonnerre. Voilà la raison de l'hilarité générale.

Ah, pour ça, je vois du monde...Ca se bouscule à ma table...On vient trinquer...Déblatérer du patois régional à tour de rôle. Ca aussi, ça doit les distraire, les fumiers!...Ils viennent voir ma gueule de près, me souffler leur haleine putride aux naseaux. Y'en a qui s'assoient deux minutes, faire semblant de compatir. “Alors, Monsieur le toundra biker, t'as-tu vu les bélougas? Hein?”

Ca catalogue rapide dans les parages!...Heureusement qu'ils savent rien de mes opinions sur leur chasse aux phoques...Je serais en danger…

 

A cause de mon insolente obstination à essayer de voir les ours polaires tout seul, sans passer par leurs agences, et ce en dehors de la saison, ça les interpelle, les locaux. Y'en a à qui ça plait pas du tout, mon attitude. Ceux qui vivent du tourisme...Faudrait pas qu'on se mette à m'imiter...Pas question de laisser les visiteurs errer dans la toundra sans guide, à ma manière...Ils sauront bien jouer la carte sécuritaire pour décourager les plus téméraires...

En attendant, c'est le grutier de la drague à godets qu'est venu me provoquer avec son connard de mécano. Trois pintes dans la citrouille, qu'il a fallu que je prie ces messieurs de s'asseoir, de peur qu'ils rétament les verres et tout le bordel tellement ils tenaient à peine sur leurs cannes.

 

- “ Pas plus tard que vers 7 heures, je passais en moto devant le dépotoir...toc, un ours dans les phares ! Bon dieu, il est pas passé loin, le blanchard. Déguelasse qu'il était le cochon...Il a dû encore s'en bouffer de la merde ! Ah, ah, ah! Je te lui en garderais bien de la mienne...Faudra nous aut’ qu'on enterre bien nos fosses, hein, les tchums !...C'est peut-être à cause de notre merde qu'ils sont attirés, les blanchards, non?”

Même ce traître de Cree s'est joint à l'assistance pour le fou rire général sur fond de musique country à fond la caisse. Un cauchemar!...J'allais rentré.

 

C'est elle, la fille du centre de recherche qui m'a balancé la première. Ca a dû la démanger de raconter aux autres qu'elle m'avait croisé en vélo, en pleine prospection, sur la piste du gros nounours...Elle s'est pas gênée d'en rajouter pour régaler l'audience du pub...La garce!

Je venais de débarquer du train. Elle était à la gare! Incroyable! C'est elle-même qui m'a accueilli pour m'accompagner à mon hôtel. C'était elle que j'avais eue au téléphone à Winnipeg, pour réserver. Debby! Debby Mac Loed...Je m'étais imaginé une mignonne celte irlandaise, rousse et mystérieuse...avec sa voix chaude. Tu parles d'un boudin la saxonne!

En montant dans son 4X4, j'ai immédiatement demandé où était le centre de recherche polaire. Ca l'a fait sourire. “Pourquoi ça?” qu'elle m'avait demandé en riant...Je voulais essayer de m'infiltrer dans l'équipe, rien que ça...tenter ma chance. Faire de la zoologie en dilettante...

On est arrivé chez mes hôtes. Elle m'a tendu sa main potelée. “C'est moi!” Qu'elle m'a lancé. Moi quoi? “Je suis qu'à mi-temps au tourisme. Mon job principal, c'est au centre de recherche. Je m'occupe de l'intendance...Mais je suis désolée, je vois ce que tu veux faire...C'est pas impossible sauf que ce mois-ci, on accueille les éco-volontaires. Earthwatch Insitute, tu connais?”

Elle m'a juste informé que ces clients-là, ils payent en US dollars le privilège de venir au centre étudier la toundra bénévolement. Des bénévoles lucratifs en somme!

Alors moi, avec ma gueule de jeune premier et mes poches vides, et mes lacunes flagrantes en anglais, je faisais pas le poids.

 

Elle savait pas à qui elle avait à faire, la grognasse...

 

Elle m'a reconnu en me doublant sur la route. J'avais pas perdu de temps pour me mettre au boulot, juste après midi, le jour de notre rencontre.

 “Ah! Yvanne, c'est bien toi !” Les bénévoles ricains étaient à bord...“T'es pas un peu cinglé non? Tu sais où tu te trouves en ce moment, hein? Je dois t'avertir que c'est dangereux la région...Ca va pas non? T'es en plein territoire de l'ours polaire, là, mon con...”

“ Tant mieux ! ”, que je lui ai répondu...Et c'est vrai que je devais avoir l'air niais. J'étais torse nu, en short et je pataugeais dans une mare, dans les mousses, complètement inconscient du danger. J'étais venu à vélo! 20 bornes à pédaler dans la toundra. J'avais planqué le bicloune contre un poteau. Je m'étais aventuré droit devant, et comme c'était l'été, je m'étais accoutré en conséquence. Les jumelles en bandoulière, lunettes filtrantes sur les yeux, oint d'écran total. Y'a plus un pet d’ozone en été...J'ai choppé des coups de soleil...

 

La meuf à dû me prendre pour un crétin de première. Un touriste égaré, dans les deux sens du terme... Elle se l'ai joué genre sauveteuse. J'ai pas voulu de son rapatriement. Ca se voyait que ma présence en ce sanctuaire nordique la dérangeait! Ca la foutait mal mon impertinence...Mais eux, les ricains, je les ai bien vu qui se marraient quand a redémarré le Range...Ca leur a fait une petite distraction dans leur programme…

Ils se sont arrêtés un peu plus loin sur le bord de la route, dans un virage. Ils mataient un truc aux jumelles...Ca m'a motivé pour les rejoindre...Peut-être un ours embusqué...

Le temps de récupérer ma petite reine, les Yankee avaient disparu...

 

Depuis, je fais ma balade quotidienne. Et j'arrête pas de lever la main pour répondre aux saluts des gens qui me croisent en bagnole...

Je l'ai revue, la Debby, elle me faisait la gueule mais maintenant elle aussi me fait des gestes et ralentit pour me sourire...Peut toujours rêver que je la trousse...Plutôt me farcir un ours, au moins, y'a de la fourrure...

 

C'est qu'un pauvre malade mon Inuit, y'a rien à en tirer...

Au début, la première fois que suis entré au Wong-Kee, j'ai adoré l'écouter. Un véritable indien d'Amérique...en chair en en os...Longue chevelue blanche de chef de tribu et bandeau eskimo sur le front...Une vraie gueule d'Apache...Ah!, je déchante maintenant qu'il à dévoilé son trouble; Mais trop tard ! Il m'a  choisi comme pote...

En grande forme il était le chamane...Jusqu'aux chiots, qu'il est venu me harceler...C'était pour lui comme très urgent de baver ses histoires, et insupportable que j'ose l'interrompre, même pour aller pisser. Rien à faire!

Il a passé les bornes cette fois, et j'ai été obligé de l'envoyer chier. Tu parles! Tout juste si me l'a pas tenue dans l'urinoir...Ca m'a coupé l'envie!

Il l'a ramené son aurore boréale...L'odeur des gogues, le vomi itou, ça l'inspirait le vieux renard...Il déclamait une incantation en dialecte...Oui, oui, carrément! Il s'est mis à se dandiner!.. “haï yaaa hum, aya ah...haïa Humm”. Il grondait entre deux chants...Il me sermonnait pendant que je m'égouttais...Je crois que c’était le grand esprit un certain Ayadawiduk, qu'il implorait, adossé aux graffitis lubriques du mur...Fallait que je me soumette à sa loi. Le grand tremblement se préparait...Ayakuk-machin-chose- lui faisait apparaître des lumières rouges dans ses rêves. Un signe! Le signe! Il était temps, que nous, les blancs, on se prosterne à genoux...Tu vois un peu le baratin...

En revenant, le Clive m'a agrippé... “Prends donc un'pinte, soldat! Qu'il m'invitait!

Y'avait un de ces monde au bar! Les chinetoques allaient fermer...Mais le sorcier me collait. Il s'effondrait sur les buveurs, ses cheveux baignaient dans leur mousse...

“Allez, Moodie, t'as ton compte!...Laisse les clients tranquille!”..Zeng connaissait bien le numéro...Par coeur! Il savait l'amadouer...Je l'avais déjà vu faire et  Clive aussi participait au plan, en binôme avec son cadet, Hyacinthe....Mais cette fois, ça n'a pas marché...On l'a fait asseoir côté resto, dans le noir et c'est Li-Ming qu'est venu l'écouter; Fallait l'écouter. Sinon, il reprenait sa danse...Ses haï yaa houm, et sa gestuelle...La jeune soeur de Zeng pouvait calmer Moodie. Elle seule pouvait...Mais pas toujours...

J'en ai profité pour me frotter contre une croupe inconnue; Une touriste hollandaise, selon Hyacinthe,  qu'avait pas attendu son reste pour tenter sa chance. “Des gouines!” qu'il m'a averti...Il a crié tellement fort pour que je pige, à cause du bruit, que sa voisine l'a entendu et s'est décalé d'une place.

La cloche à retenti, ce qui a eu pour conséquence immédiate de secouer la fourmilière.

Je me suis retrouvé écrasé contre le zing, simplement plaqué contre les grosses fesses de la blonde Flamande. On n'a pas échangé. Pas pu...Une meute assoiffée a déferlé pour passer la dernière commande avant la fermeture! Le gratin du grand nord ! Ouvriers, touristes, commerçants, flics, administrateurs...Un bel échantillon de la très respectable communauté d'Hudson....

La petite Li-Ming toute fluette avec à son bras le clodo de Moodie ont traversé la salle sous les applaudissements et on a remis encore une dernière pour la route avec les Pogues à tue-tête.

Avant de se barrer, comme on est des habitués, Li-Ming nous a servi une assiette de pâtes à se partager au comptoir le temps qu'elle serpillait.

En à peine trois semaines j'ai fini par compter parmi le cercle très fermé des piliers du Wong Kee. Comme je pige pas bien leur anglais, il m'est donc impossible d'entrer dans les embrouilles d'alcoolo...Je conteste jamais leurs points de vue! Je débats rien! Ils ont beau me provoquer, je m'en branle!...Toute cette foire me ravit au plus au point...Faudrait pas gâcher mon plaisir en entrant dans leur jeu. Un peu de picole là-dedans et c'est le pied de voyageur!...On apprend plus ici qu'en excursion guidée à la con.

 

Je me la ferais bien moi, la chinetoque...

 

Clive m'a alors surpris en me disant qu'avec mon logeur, Sean, avant, ils étaient potes. Sean fréquentait le pub très assidûment. Lui aussi, en débarquant à Churchill, il s'était pris d'amitié pour notre Cree adoré. Lui aussi, il a fini par être dégoûté...Le cinoche à Moodie lui faisait mauvais effet...Il réagissait mal.

C'est vrai que les deux frangins d'Edmonton ont l'expérience...La mémoire vivante de Churchill. Depuis le temps qu'ils viennent bosser au port...Deux décades à curer la vase de l'estuaire...Trois mois par an, en été, quand le limon du fleuve est le plus stable...

C'est eux et leurs potes acadiens qu'ont enrichi le Wong-Kee...Ils parlent même un peu de mandarin...Mais jamais réussi à marier une des filles...Ni même fricotté...Sont devenus amis...Ils se rendent des petits services...C'est tout!...

 

Ca m'a tellement intrigué que me suis levé exprès à l'aube pour interroger Sean. Il était en forme; Sa bécane était réparée. Il pourrait enfin s'occuper du “truck”.

Il a bien voulu me répondre en sirotant son café, mais il avait pas beaucoup de temps. Y'avait encore un problème sur cette saloperie de drague à godet...

 

-“Moodie, je l'ai toujours connu pareil. Il empire...Il t'a pas encore invité à une de ses danses de la soif? Moi, je l'avais accompagné dans le temps... C'était le début du développement touristique, quand il faisait encore des moins 35, moins 40 en hiver et que les brise-glaces soviétiques, prisonniers de la baie nous envoyaient leurs équipages.

On buvait de la vodka et les gonzes habitaient chez nous...

Je peux te dire en tout cas, que c'est un vrai chamane, ton indien. Je l'ai vu faire...J'en ai même tiré de la fierté de l'avoir comme tchum. Tu bois pas de café?...Puis il a pris la mauvaise pente...Il s'est mis à picoler entre les cérémonies...

Un jour, il s'est pointé en habit...C’est depuis ça que j’ai commencé à me méfier du zigoto

Ca m'a plus du tout amusé...Personne ne se serait douté qu'il restait une telle relique au bled. Ca avait été formellement défendu de seulement posséder chez soi ce genre d'antiquité.

Sans compter que la compagnie de la Baie d'Hudson avait confisqué l'attirail rituel aux familles récalcitrantes...Faux croire que tout n'a pas été brûlé...

Des fois, il avait son arc et sa lance...Il se baladait avec. On redoutait un incident. Il faisait peur aux mômes...Il voulait impressionner avec sa tunique et ses plumes. Pauvre gars...Ca me fait mal de me rappeler sa déchéance...C'est l'alcool qui l'a abîmé.

La vodka des russes l'a définitivement esquinté. Je te conseille quand même de l'éviter. Il est costaud l'animal...Une fois imbibé, pourrait te jouer des tours...”

 

Il a continué à me raconter tout ça en marchant vers le port. Il était en avance. On a bu un autre infecte café soluble dans un conteneur aménagé.

- “Les chinois avaient élu le père Moodie mascotte officielle de leur honorable établissement. A l'époque, y'avait des hôtesses...

Faut dire que l'intrépide jouait à merveille son rôle de boute-en-train, passant de table en table avec ses grigris et ses amulettes. Il faisait une sorte de spectacle pour se faire offrir de l'eau de feu. Sa fameuse danse de la soif, avec un nom pareil...je te laisse imaginer le genre d'offrande qu'il récupérait, le Cree...Des litres de Brandy pour le grand Manitou de mes fesses...

Les touristes en redemandaient du pittoresque et comme les émotions, ça donne soif, le père Wong et ses niakes se pourlichaient pas mal la barbichette. Il se faisait d'ailleurs pas prier pour poser son chapeau chinois sur sa calvitie avant de rejoindre pour la photo souvenir, son partenaire emplumé.”

“Ouai, il commençait à nous gonfler...Je pouvais plus lui parler normalement...Il me resservait sa grande vision à chaque fois...Il annonçait la fin des temps, le réchauffement climatique, la fonte des glaces, etc...Un prédicateur ivrogne, qu'il était devenu...et le pire, c'est qu'il y croyait mordicus à ses histoires...

Il aurait pu lever une armée d'illuminés nous faire la peau...Alors, moi, j'ai espacé mes visites...Je l'évitais...Même quand il était à jeun.”

« Tu vois, Yvanne, Ben…, en te parlant de ce temps-là, je dois bien admettre que Moodie a peut-être des vrais dons de devin…Hein ?...Avec le recul… Et le réchauffement climatique…Là faut se rendre à l’évidence ! On le sent bien nous aut’ icitte ! Y’a pas de doute sur la situation ! Bon…Allez, on peut avouer carrément que y’en a qu’on peur…Ils se foutent bien de sa pogne à notre intrépide, mais, on est plus d’un à croire qu’il avait vu juste…Sa vision, ils préfèrent plus l’entendre…Des fois qu’il dise vrai ! Et c’est déjà un peu le cas…A l’époque, personne n’en parlait du réchauffement. Que lui ! Entre deux scotch ! On se marrait bien de ses foutaises…Regarde autour, maintenant ! Le ciel ! Le soleil ! Je te dis rien des cancers…C’est tabou ! Ferme ta gueule à ce sujet ! Ouai…Peut-être bien qu’on veut tout simplement pas admettre… »

 

Avant qu'il embauche, Sean a expliqué qu'un soir, en pleine saison des aurores boréales, sous moins 25, c' te branquignolle de Cree avait allumé un feu devant le commerce et dansait autour à moitié à poil, alors qu'il s'était enfilé bien trois litres de vieux bourbon.

-“On l'avait pas vu se barrer et encore moins revenir déguisé. Il a pris à partie les dockers Terre-Neuviens qui fêtaient la quille. Eux aussi en tenaient une sévère. Ca a pas manqué! Moodie, avec son air de chien battu et les lèvres gercées, sa gueule fanée de vieille relique cache en lui un vrai démon!

 

 

Délirium tremens et transe chamanique ne font pas bon ménage...Le bougre se croyant voler dans la galaxie, s'est jeté de tout son poids sur un petit groupe de badauds alcoolisés…dont l'un a sorti un schlass. Ca a fini en bagarre généralisée. Y'a que Moodie qu'est resté sur la glace. Il a pas pu se relever de toute la soirée....

On lui a raconté le lendemain que les jeunes de son clan avaient été de la partie, rameutés par ses appels à la révolution. Il a dit regretter s'être évanoui...Ca lui aurait sacrément plu de bastonner du british en famille.

Heureusement, la milice était chez Wong ce soir là. Ils ont évité que les flics s'en mêlent.

C'est là que j'ai réalisé que les vieilles frustrations et les rancunes peuvent ressurgir. Faut pas grand chose...Les Terre-neuviens alliés au Canadiens de souche s'en sont pris aux deux touristes du Nouveau Brunswick et aux Québécois...Les Cree en avaient contre les exterminateurs blancs. Les autres s'étripaient en slogans indépendantistes.

Et tu sais, ce qu'on dit des asiatiques en se foutant d'eux, hein, tu sais, le karaté, etc, et ben, y'a du véridique là dedans aussi. T'aurais dû voir les jeunes bridés en action. La vache! Y'a plus un gars désormais pour oser les provoquer depuis cette affaire.

C'est eux qu'ont rétabli l'ordre. Leur kung-fu, c'est pas de la blague, je peux l'affirmer. Comme dans les films! En plus véloce, en plus efficace...Du resto, par la vitre, j'ai bien vu comment à deux, ils ont descendu les bagarreurs...Qu'avec les pieds! Je les revois sauter dans le faisceaux des phares des pick up...Je rentends leur cris de guerre...une de ces puissance!...

Nous, on a fait la sale besogne de rentrer les victimes au chaud pour pas qu'ils calanchent dans le blizzard. Les Cree ont récupéré leur gourou. A sa place, y’avait une mare de neige fondue… On a étouffé le feu.

Le vieux Wong a servi une tournée. Il avait à la ceinture, son beau sabre de samouraï...”

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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